Bibendum a aujourd'hui 120 ans et on pourrait presque dire qu'il n'a pas pris une ride, bien au contraire! Certes il s'agit d'une mascotte anthropomorphe, mais elle représente le pneumatique Michelin réputé increvable alors n'allez pas imaginer que son emblème puisse souffrir de vieillesse! Bibendum n'a pourtant pas traversé les années sans transformations majeures:
Les premiers dessins d'O'Galop sont assez simples. Il donne à voir un personnage très charismatique qui écrase ses adversaires par ses dimensions; Bibendum est un colosse à forte corpulence entièrement constitué de pneus fins et très nombreux à l'exception de ses mains qui sont encore nues. Son visage est sans expression et il affiche ostensiblement les attributs d'une société bourgeoise et cultivée de son époque à laquelle il appartient: lunettes, cigare, chevalière, boutons de manchettes et bottines. Malgré les innombrables situations et costumes dans lesquels il fut dépeint ces caractéristiques serviront de fil conducteur aux nombreuses représentations du Bibendum. Quelque soit le dessinateur une unité prédomine donc dans le dessin et le trait n'évoluera pas beaucoup en dehors du style propre à chaque artiste.
Il gagnera tout de même en humanité avec les dessinateurs Fabien Fabiano et René Vincent dans les années 10: on lui dessine une bouche avec des lèvres et il affiche désormais un très large sourire. Le caractère change aussi dans la même période, on passe du colosse au bonhomme sympathique qui ne distribue plus les coups mais les conseils. Francisque Poulbot ira même jusqu'à créer une série où le Bibendum sert de doudou à des enfants. Jusqu'à la fin des années 10 et à quelques exceptions près, il portera donc toujours ses accessoires qui le distingueront nettement de la classe populaire; à cette époque le pneumatique et l'automobile restent encore des produits de luxe.
A partir des années 20 s'opère une première mutation du personnage en rapport avec les évolutions techniques de la marque et le contexte de l'époque. En 1923 Michelin sort son nouveau pneu 'confort. Les pneus se font plus gros pour mieux absorber des chocs, augmenter la tenue de route et supporter le poids des automobiles. Evolution des produits oblige, Bibendum va perdre ses fins anneaux au profit de plis plus gros et moins nombreux. Ses lunettes s'arrondissent, son corps n'est plus surdimensionné: Il affiche ainsi de nouvelles rondeurs. Le Bibendum prend un coup de jeune, il reste jovial mais se sépare définitivement de son caractère arrogant ainsi que de son image de colosse déjà amorcée à la fin des années 10. Michelin a déjà écrasé bon nombre de concurrents et Bibendum doit maintenant rassurer son auditoire. La grande guerre est passée par là et les courants pacifistes des années 20 obligent aussi Michelin à changer de stratégie de communication. En 1926 Michelin décide de créer son propre studio de création et de ne plus faire appel aux artistes indépendants pour sa publicité. L'image du Bibendum s'institutionnalise et s'uniformise, le Bibendum respecte les codes graphiques définis par l'agence interne, renforçant sa reconnaissance populaire; mais le trait moins libre perd en style et en charme.
A la fin des années 20, la firme clermontoise s'inquiète des ravages de la tuberculose chez ses ouvriers et Bibendum s'affiche de moins en moins avec son cigare. Au milieu des années 30 le front populaire donne la possibilité aux ouvriers de partir en vacances. Le pneumatique et l'automobile se démocratisent progressivement, et Bibendum abandonne alors son cigare et la plupart de ses attributs mondains. Boutons de manchette et chevalière ont disparu.
A l'exception de la série d'affiche de Raymond Savignac en 1965, la figure de Bibendum s'effacera entre 1940 et 1980 au profit du produit et de la technologie. Le Bibendum n'occupera plus le devant de la scène, il est relayé à un second rôle et son trait n'évoluera pas de façon majeure. Il faudra attendre le milieu des années 80 et la campagne d'affichage du BDDP pour voir amorcer son grand retour dans la publicité Michelin. Dans la majorité des cas le Bibendum se contente de figurer sur le logo de la marque avec deux périodes phares dans le dessin: d'abord la période du Bibendum à la main levé toujours associé à un pneu entre 1950 et 1960 puis celle du Bibendum fonceur entre 1970 et 1998.
A l'occasion du centenaire de Bibendum en 1998 Michelin lui offre une autre cure de jouvence;
le personnage est plus élancé, il s'affine clairement et perd de sa rondeur au profit d'un style résolument sportif
qui rajeunit le personnage.
Depuis la fin des années 90 et avec l'aide des nouvelles technologies les transformations se font plus rapides.
La firme délaisse peu à peu le crayon au profit de techniques de pointe dans l'imagerie.
Le Bibendum n'est plus systématiquement dessiné mais filmé en numérique et l'image travaillée par la suite pour servir dans différents supports.
Dès 2005 on utilise progressivement la modélisation numérique pour créer le personnage en 3D que nous connaissons aujourd'hui et qui accompagne la plupart des
publicités:
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