Bibendum fut dépeint dans mille et une facettes et dans d'innombrables situations souvent cocasses. On a parfois essayé de prêter ses traits à des enfants et des animaux mais il fut très rarement représenté avec une autre couleur que le blanc.
Ceci s'explique facilement: Dans une autre couleur Bibendum serait beaucoup moins identifiable, c'est le fil conducteur de la mascotte; on la travesti mais elle reste identifiable par un code simple et sans ambigüité. Le blanc fait partie de son identité et s'enracine profondément dans l'histoire de la manufacture Michelin. Le pneu est certes noir et il n'a jamais été blanc même dans les premières années de fabrication; mais c'était au départ un article de luxe emballé dans du papier de soie...de couleur blanche. Le bibendum tire donc sa couleur de son emballage d'origine qu'il n'a pas quitté depuis. A cela s'ajoute que le caoutchouc, dans sa forme primaire est de couleur blanche. Le blanc fonctionne donc comme un code immuable rappelant implicitement les origines de la marque.
On retrouve pourtant bien quelques objets publicitaires comme des portes clés ou bien des mascottes comme sur l'image ci contre où le Bibendum s'affiche en couleur
mais pour trouver la trace d'un bibendum de couleur dans une publication il faudra attendre plusieurs décennies.
Ces "apparitions" se comptent encore aujourd'hui sur les doigts de la main et représentent une goutte d'eau dans le flot d'images publicitaires publiées.
Voici deux exemples marquants de campagne publicitaire où le Bibendum ne revêt pas son blanc manteau conventionnel.
La première campagne iconoclaste est celle de Raymond Savignac, génial illustrateur au style simple et aux couleurs vives très reconnaissable par l'humour et les gags qui animent ces nombreuses réalisations.
Né à Paris en 1907 il deviendra célèbre avec une affiche pour la publicité Monsavon en 1949. Le succès fut tel qu'il aimait répéter lors de ses interviews: "Je suis né à l'âge de quarante-et-un ans, des pis de la vache Monsavon."
Raymond Savignac signa pour de grandes marques dont Renault, SNCF, Gitanes, Bic, Maggi, Cinzano, l'aspirine Aspro, Dunlop...
Egalement connu pour ces affiches pour le cirque Bouglione et le film 'la guerre des boutons' il réalisa en 1965 une affiche marquante pour le pneu Michelin hautes performances XAS. Cette affiche tranche largement avec les publicités de l'époque où le Bibendum s'effaçait pour laisser la place à une communication sur la technologie du produit.
Au moment où la publicité autour du Bibendum était en crise et quasi nulle Savignac pris le contre-pied et proposa une affiche en rupture avec le contexte et l'histoire de la marque en optant pour une affiche simple avec un message simple: Bibendum est le pneu Michelin et le pneu Michelin est Bibendum. C'est aussi une des rares occasions où le Bibendum est de couleur pneu!
La rupture est double: le bibendum est noir et la technologie du pneu n'est pas mentionnée.
Raymond Savignac introduisit donc une première rupture esthétique mais c'est sans nul doute la campagne du BDDP qui fut la plus décalée dans les codes utilisés. Michelin confia sa communication à une jeune agence externe française crée en 1984 par 4 grands professionnels de la publicité: Jean-Claude Boulet, Marie-Catherine Dupuy, Jean-Marie Dru et Jean-Pierre Petit (BDDP). L'agence s'empare du symbole de Michelin et orchestre à partir de 1986 une campagne publicitaire sans précédent: On conserve uniquement le trait de contour puis on découpe les éléments les plus marquants de la mascotte (pied, tête, main) pour les utiliser dans des gammes de couleurs très pop art, à la manière d'Andy Warhol. On réduit le personnage à la plus simple expression en comptant sur l'effet visuel des couleurs et la reconnaissance du Bibendum par le public mais on voit aussi en Grand: Les découpes occupent largement l'espace publicitaire et les panneaux de 4 x 3m sont favorisés.
Les affiches connaissent un succès immédiat et marquent véritablement la reconquête du Bibendum dans la publicité de Michelin. La campagne ne passe pas non plus inaperçu dans le milieu de la publicité qui la considère comme une des meilleures de la décennie. L'agence travaille encore aujourd'hui pour la communication de Michelin. Il aura fallut déstructurer le Bibendum et transgresser sa couleur originelle pour lui offrir une seconde naissance.
Ces deux exemples ne sont pas uniques, il y eu bien évidemment d'autres publications sur lesquelles le Bibendum n'était pas blanc mais elles ne furent pas aussi remarquables et surtout ne jouèrent pas un rôle de premier ordre dans l'histoire de la marque. Il faut retenir que si 99% de l'immense production de l'imagerie publicitaire du Bibendum le représente en blanc ces 2 exemples resteront paradoxalement parmi celles dans lesquelles s'inscrivent les mémoires et l'histoire picturale du bibendum.
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