On a tout écrit sur la naissance de Bibendum et cela dès ses premières années. Déjà en 1905, où il était de tous les salons et autres manifestations publicitaires de la marque, O'Galop lui dédiait une biographie fantaisiste retraçant ses hauts faits historiques qui sera publiée dans l'imagerie d'Epinal et intitulée: Vie et aventures du célèbre Bibendum! Cette biographie présente ainsi Bibendum: (...)"digérant les clous parce que fils d'autruche et increvable parce qu'issu d'immortel" (...).
A cette époque le mythe était déjà bien en place et chacun y allait de son interprétation pour trouver l'origine de cet énergumène. Bibendum était une star de la publicité et Michelin sut tirer profit de l'engouement généré par sa mascotte anthropomorphique: dieu de la marque il fut souvent travesti en figure mythique ou historique renforçant ainsi le mystère sur ses origines.
Michelin qui souhaitait garder le contrôle de son image et lui donner un caractère plus institutionnel recadra très vite le débat et restitua à plusieurs reprises et sur différents supports la véritable histoire de la naissance de Bibendum et de la marque; ou du moins celle qu'il fallait colporter. Voici donc retranscrit ci dessous un des modèles institutionnels publié en 1923 dans le joyeux Bibendum un recueil de dessins du Bibendum. La page originale est disponible ici.
" Bibendum était en germe dans la célèbre formule: "le pneu Michelin boit l'obstacle". André Michelin
la lança en 1893 dans une conférence où il montrait que le pneu se moule sur un caillou, l'absorbe, en
quelque sorte au lieu de sauter par dessus, comme le plein.(1)
Quelques années plus tard le hasard lui fit jeter les yeux sur une affiche représentant un buveur,
au ventre énorme, qui levait sa chope de bière en prononçant la phrase latine connue: "Nunc est bibendum",
c'est à dire: "Maintenant il faut boire".
Le torse du gros homme évoquait la silhouette d'une pile de pneus et l'idée vint à André Michelin
d'opérer la substitution. Mais que pouvait boire ce nouveau personnage symbolique? Au lieu de bonne bière: des
clous, des cailloux, des tessons, ...l'obstacle en un mot.
C'est ainsi que fut exécutée l'affiche (..) qui constitue l'acte de naissance officiel de Bibendum
(avril 1898) (2).
le succès en fut prodigieux. bibendum sonnait clair et s'harmonisait sans doute avec le caractère jovial et bon
enfant du dessin. le public désigna par ce seul mot, d'abord l'affiche tout entière, puis le bonhomme en pneus qui
en était le centre.
Par la suite, les attitudes de ce bonhomme changèrent mais le nom dont il avait été baptisé avait fait fortune,
il le suivit dans d'innombrables incarnations (3).
Et depuis 25 ans infatigable, Bibendum court le monde aux côtés du pneu Michelin dont il est devenu le joyeux emblème.
Punch est britannique, Guignol est français, Pulcinello est italien, Sancho Pancha est espagnol mais bibendum est universel. "
Notes:
(1) "plein": évocation de "l'ennemi" du pneu gonflable: le bandage plein, sans chambre à air. A l'époque le pneu gonflable n'avait pas encore détrôné le pneu plein et les industriels, conscients de l'enjeu économique que représentait ce marché en plein essor, se livraient une guerre sans merci pour équiper les automobiles.
(2) Sur cette version le nom d'O'Galop n'est pas mentionné. A la parution du texte, O'Galop n'était plus le dessinateur de Michelin.
(3) Le slogan des premières affiches "Nunc est bibendum", difficile à retenir, fut rapidement tronqué pour devenir le surnom du personnage.
Le mythe Bibendum est donc né de l'heureuse rencontre entre une idée des frères Michelin de faire d'une pile de pneus la mascotte de la marque et un dessinateur génial qui sut doter le personnage des meilleurs traits.
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